
Une enfance au cœur des cévennes…
Née au cœur des Cévennes à la fin des années 60, j’ai grandi dans un hameau de maisons en pierres sèches et aux toits de lauze 1, niché au cœur de l’une de ces belles vallées, que j’ai renommée « la Vallée Paradis », au milieu des chèvres et des moutons. La télévision n’était pas parvenue jusque chez nous, seule une voisine, « une estivante » 2, venue de Marseille pour passer la période estivale en Cévenne, en avait une…en noir et blanc…C’est chez elle que se réunissait le hameau pour écouter les informations, ou regarder un film le soir. Nous avons finalement eu la nôtre, mais j’aimais passer le plus clair de mon temps chez cette gentille grand-mère, et c’est chez elle que j’ai découvert un vieux dessin animé aux dessins très sommaires : « Joë chez les abeilles » 3. Un petit garçon avait eu la chance de s’introduire dans ce mystérieux royaume des Abeilles, et avait même rencontré la Reine, dans l’imposante salle du Trône…J’étais petite, et je n’ai vu que quelques rares épisodes de cette histoire, mais ils ont suffi à piquer ma curiosité.
Même si en Cévennes, la plupart des familles avaient, sinon un rucher, au moins quelques ruches troncs, nous n’en avions plus que les vestiges. Quelques troncs de châtaignier, recouverts d’une grande lauze 1 ronde, désertés par leurs colonies d’abeilles depuis bien longtemps…
Mon père n’avait rien d’un apiculteur. Notre hameau ne comptait à l’époque que quelques personnes âgées, vite remplacées par de nouveaux estivants 2, en conséquence de quoi, mon seul contact avec les abeilles se limitait à la rencontre fugace avec l’une d’elle, ou avec un essaim sauvage dans lequel mon père avait prélevé un peu de miel. Je m’en rappelle encore…C’était un jour de neige où, devant aller nourrir les chèvres d’une vieille voisine dans un mas isolé, nous avons découvert un essaim dans sa grange…Nous avons alors dégusté ensemble du miel de châtaignier en brèche, un régal !
Mais pour ce qui est du fonctionnement d’une ruche, cela restait pour moi un mystère relevant du merveilleux…

Des abeilles et des hommes… passionnés…
Un de nos cousins demanda un jour d’installer une partie de ses ruches sur notre propriété, pour profiter de la saison du châtaignier. Il sait parler des abeilles mieux que personne…Lorsqu’il nous rendait visite, nous apportant quelques pots de miel, la famille entière restait pendue à ses lèvres, avide d’entendre ses explications sur ce monde si particulier.
Entre temps, j’avais grandi, fait carrière, et m’étais mariée, avant de décider avec mon mari et notre fillette de revenir en Cévennes, bien avant l’âge de la retraite, afin d’y poursuivre mon métier d’une façon plus souple qui me permette de réaliser un autre de mes rêves d’enfants : écrire des histoires !
C’est alors que mon mari et moi avons découvert sur notre propriété un essaim sauvage, dans un tronc d’arbre, chose devenue rare…Nous connaissions un apiculteur qui a accepté de nous aider à le récupérer, sans succès. Mais l’homme était, lui aussi, un de ces passionnés capables de vous communiquer le virus…Car , il faut le reconnaitre, la passion des abeilles a quelque chose de viral…
Quelques jours plus tard, il nous amenait un premier essaim, dans une ruche Dadant 4. Il nous expliquait gentiment les rudiments du métier, alors qu’émerveillés, mon mari et moi découvrions les mystères de la composition d’une colonie d’abeilles !
Un virus sans remède…
Un essaim, ça ne suffit pas, il en faut au moins deux pour démarrer. Nous en avons rapidement acquis un second, et puis…l’irréversible se produisit. Malgré des premiers pas difficiles en raison d’attaques de frelons asiatiques, mon mari avait contracté le virus. J’ai vite compris qu’il n’existait aucun remède.
Il était capable de rester des heures assis près de nos deux ruches avec un genêt en guise de balai pour chasser les frelons asiatiques qui venaient se poster en vol statique devant l’entrée, terrorisant les abeilles qui n’osaient même plus sortir pour butiner.
Autodidacte, passionné, il trouva les informations requises, élabora des pièges à frelons, et commença à former de nouveaux essaims, élever des reines etc…Et la colonie grandit, peuplant la Vallée Paradis de vaillantes butineuses !
Pour ma part, je dois avouer que quelques piqûres bien placées suffirent à me convaincre que j’avais plus de talent pour manier la plume que l’enfumoir. Ce qui pour autant, ne mit pas fin à mon histoire avec les abeilles, en fait, elle ne faisait que commencer…
Le livre derrière le livre…
Car un jour, quelqu’un, va savoir pourquoi, m’a offert un livre, à moi, oui, pas à mon apiculteur de mari : « Un petit rucher bio » 5.
Très bon petit livre technique sans trop qui explique en détail la vie des abeilles. Je l’ai dévoré, et de là est venue l’idée du livre…Ecrire un conte éducatif, qui explique précisément comment vivent et meurent les abeilles, l’organisation de la colonie etc, mais de façon ludique, avec une histoire qui rejoigne mon rêve d’enfant, celui d’entrer dans une ruche et de rencontrer la Reine des Abeilles !
Je l’ai écrit en plusieurs étapes, pas d’un seul trait.
Et lors d’une période de vacances, alors que je n’avais plus dessiné depuis le lycée, j’avais un peu de temps, envie de détente, alors j’ai commencé quelques desseins. Je me suis prise au jeu et me suis bien amusée en imageant mon histoire !
Un livre, c’est encore des rencontres…
Au bout d’un temps assez long, je me suis dit qu’il convenait de trouver une fin à cette histoire et d’achever ce livre. Quelques amis l’ont lu et l’ont aimé, ont bien voulu corriger quelques fautes. Mais je connais quelqu’un qui en matière de fautes de grammaire et d’orthographe est particulièrement intransigeante. Manette, ma maman ! Petite, j’en écrivais des histoires. J’ai toujours aimé ça. Mais lorsque je les montrais à ma mère, son seul commentaire portait toujours sur les fautes ! Elle a une capacité incroyable pour dénicher les plus insignifiantes. Je décidais donc de faire passer le test à « Poppy et les Abeilles ». Chose incroyable, scoop de l’année, pour la première fois de ma vie, Manette fut tellement prise par l’histoire qu’elle s’avéra incapable de trouver la moindre faute ! Elle s’y reprit à deux fois, mais dû poser le stylo, repartant à fond dans les couloirs de la ruche, à la suite de Poppy…J’ai dû demander à quelqu’un d’autre de bien vouloir s’atteler aux corrections requises !

Je tenais mon premier roman à succès, c’est certain.
Mais bon, il ne suffit pas d’écrire une histoire, et même de faire les desseins, pour qu’un livre soit achevé, encore faut-il réaliser la couverture, la mise en page…Et ça, ce n’est pas dans mes cordes. Et même si vous trouvez un bon graphiste, il faut encore que l’idée qu’il aura du livre corresponde à la vôtre…
J’ignorais que notre amie Clémence, qui fait le même métier que moi, avait ce genre de corde à son arc… Je le découvris lorsqu’elle vint passer quelques jours chez nous. En très peu de temps, elle trouva exactement le style qui me plaisait, la couverture, les couleurs, les petites fleurs…Un résultat magnifique !
« Poppy et les Abeilles » existait enfin !
Un autre de mes amis, graphiste dans l’âme, perfectionniste et pro jusqu’au bout des ongles, fondateur de l’excellente boite de graphisme, création internet et autres, Golden Designs, reprit tout le travail afin que le livre puisse être imprimé sans soucis.
Et puis il fallait choisir le grammage du papier, la couleur, le pelliculage, etc…
Nous avons décidé de partir sur un modèle « à l’italienne », grand format, soft touch, pour un rendu « beau livre ». Autant de termes techniques que j’ai découvert sur le tas… Car j’ignorais qu’il y ait autant de choix, je n’y avais jamais porté attention avant ! Mais j’avais envie que ce premier livre soit beau, doux au toucher, doux comme le sont les desseins au crayon de couleur, doux comme le miel de nos petites abeilles !
Bref, écrire un livre, ce n’est pas qu’inventer une histoire…
Ecrire un livre, un beau, un bon livre, est le fruit d’une histoire intime, personnelle, de rêves d’enfants qui peuvent enfin éclore…C’est le fruit de rencontres avec d’autres gens qui aiment la vie et savent communiquer leur passion. C’est le fruit d’amitiés qui permettent de mettre en commun des talents variés, pour aboutir à la matérialisation d’un rêve en forme de livre, qui puisse faire rêver à son tour ceux qui le liront avec un cœur d’enfant.
Vous connaissez maintenant l’histoire derrière l’histoire… Alors, si vous n’avez pas encore découvert « Poppy et les Abeilles »….
1. Lauzes : pierres de schiste, utilisées en cévennes pour les toitures et pour couvrir les ruches troncs, faites dans un tronc de châtaignier brut, évidé.
2. « estivant » : vacancier
3. https://fr.wikipedia.org/wiki/Jo%C3%AB_chez_les_abeilles
4. https://fr.wikipedia.org/wiki/Dadant_(ruche)
5. « Un petit rucher bio », Jérôme Alphonse, Rustica Editions